J’ai arrêté de compter le nombre de fois où j’ai vu un coureur franchir le seuil de mon cabinet totalement abattu. Le verdict venait de tomber. Les douleurs qu’il éprouvait au dos ou aux genoux provenaient directement du sport qu’il pratiquait : la course à pied. Il devait arrêter de courir pour se mettre à un sport sans choc tel que le vélo ou la natation. Sans ce changement, il continuerait d’user ses articulations et ses douleurs ne feraient qu’augmenter.
La course à pied, un sport qui abîme vos articulations ?!
La scène que je viens de vous décrire, je l’ai rencontrée de nombreuses fois en consultation. Tellement de fois qu’elle ne peut pas vous être étrangère, surtout si vous pratiquez la course à pied. Je suis certain que vous avez déjà entendu ce genre de discours dans un vestiaire après un entraînement ou même dans la bouche d’un proche lors d’un repas de famille.
Habituellement, l’histoire se déroule en 4 étapes :
- Un coureur à pied se met à avoir mal à un genou ou au dos.
- Une radio est passée, et elle révèle de l’arthrose.
- Le coupable est alors tout trouvé : le patient pratique la course à pied.
- La course à pied aurait généré de l’arthrose, qui elle-même, a provoqué ses douleurs.
Une seule façon de s’en sortir pour le patient : arrêter de courir le plus rapidement possible sous peine d’user son corps de manière définitive !
L’autre situation dans laquelle j’entends cette histoire c’est quand un patient vient me voir pour se mettre au sport. Il me demande alors ce que je pense de la course à pied car ce sport lui fait envie mais il a peur que ce sport abîme son corps.
Courir, comme n’importe quelle activité physique, est bon pour votre santé !
De plus en plus de gens courent. Aux Etats-Unis, près de 20 % de la population pratique la course à pied, avec comme objectif de courir toujours plus :
- Toujours plus longtemps.
- Toujours plus vite.
- Toujours plus de dénivelé.
Tout le monde sait que l’activité physique est bonne pour la santé générale. La course à pied ne fait pas exception.
Dans cette étude scientifique, publiée en 2019, les coureurs à pied avaient :
- Un taux de mortalité générale réduit de 27%.
- Un taux de mortalité cardiovasculaire réduit de 30%.
- Un taux de mortalité lié au cancer réduit de 23%.
Ces bénéfices sont obtenus dès qu’un coureur réalise au moins 50 minutes de jogging par semaine. Aucune preuve d’une augmentation ou d’une baisse des bénéfices n’est constatée pour des plus hauts volumes d’entraînement. Les effets sur la santé sont visibles à toutes les vitesses de course mais plus probants pour des allures de course comprises entre 9,5 et 13 km/h.
C’est sans appel :
- Pour vivre plus longtemps, courez !
- Pour vieillir en bonne santé, courez !
Mais la course à pied va user vos articulations !
Courir va donc vous permettre d’avoir un cœur et des poumons en meilleure forme. Le problème c’est qu’à chaque foulée, le bitume va venir taper au niveau de vos articulations :
- Votre dos va se tasser sous l’effet des chocs tel un marteau frappant la tête d’un clou.
- Vos genoux vont s’user comme du papier de verre sur du bois.
Avoir un meilleur cœur au détriment de vos articulations… Merci, mais non merci !
Pourtant si vous regardez quelques études scientifiques, la relation entre chocs répétés durant le sport et douleurs aux articulations N’EXISTE PAS !
S’il y a bien quelque chose dont je me suis rendu compte depuis que je reçois des patients, c’est qu’avec le corps humain, il faut se méfier des raisonnements simplistes qui paraissent logiques !
Par exemple, lors des jeux olympiques d’été au Brésil (2016), les nageurs faisaient partie des athlètes avec les signes les plus importants d’usure du dos à l’IRM.
Pourtant dans l’eau, aucun choc ne vient s’exercer au niveau de la colonne vertébrale ! Alors pourquoi ?
Mythe n°1 : La course à pied tasse votre dos
Une étude publiée en 2017 analyse les disques intervertébraux de 3 populations différentes :
- Les personnes ne courant pas.
- Les coureurs à pied faisant entre 20 et 40 km par semaine.
- Les coureurs à pied faisant plus de 50 km par semaine.
Si vous ne savez pas ce que c’est, considérez les disques intervertébraux comme les amortisseurs de la colonne vertébrale.
Les résultats de cette étude démontrent que plus une personne court, plus ses disques intervertébraux sont hydratés et épais. Donc plus les gens couraient, plus leurs disques intervertébraux étaient en bonne santé.
Une autre étude publiée en 2015, a demandé à 777 participants après un semi-marathon, l’effet de la course à pied quand ils avaient mal au dos :
- 49% déclarait que la course à pied réduisait leur douleur au dos.
- Contre 27% qui affirmait que la course à pied augmentait leur douleur au dos.
Dans la majorité des cas, allez faire un footing quand vous avez un petit mal au dos, va réduire vos douleurs et fait donc partie du traitement pour aller mieux.
Donc si vous avez mal au dos, allez courir !
Enfin en 2008, une autre étude a suivi 538 coureurs à pied et 423 personnes non coureurs de plus de 50 ans pendant 20 ans. Il est très rare d’avoir une étude scientifique avec autant de participants et sur une période aussi longue. Verdict, les coureurs vivaient plus longtemps, et avec une qualité de vie bien meilleure, surtout durant leur fin de vie.
Contrairement à ce qui paraît évident, les chocs répétés durant la course à pied n’usent pas votre squelette et ne tassent pas votre dos. Au contraire, ils le renforcent !
Votre corps s’adapte en fonction des contraintes auxquelles vous le soumettez. Sinon comment expliquer que :
- Vous ayez appris à marcher, à courir et à faire du vélo ?
- Comment certaines personnes arrivent à courir 5 km, puis 10, puis 21 puis 42 ?
- Comment Arnold Schwarzenegger est devenu Mister Univers ?
Le corps n’est pas une machine. Ou plutôt, le corps n’est pas seulement une extraordinaire machine. Le corps est avant tout un être humain qui évolue jour après jour, mois après mois et année après année. C’est à vous de faire évoluer votre corps comme vous le souhaitez. Encore une fois, vous l’aurez compris, pas de technique miracle !
Ne comparez plus votre corps à une voiture à laquelle il convient de changer ses pneus lors de la révision des 100 000 km !
La course à pied renforce votre dos. Utilisez dès maintenant la course à pied pour avoir un dos solide.
Donc si vous ne voulez pas avoir mal au dos, allez courir !
Mythe n°2 : La course à pied use vos genoux
Une fois de plus le corps est bien plus complexe que la simple image de vos genoux venant s’user foulée après foulée sur le trottoir lorsque vous courrez…
Cette étude publiée en 2019 a tranché plusieurs points délicats :
- Les personnes avec de l’arthrose de genoux voient leur douleur diminuer s’ils pratiquent la course à pied.
- La course à pied n’augmente pas l’arthrose de genou.
Je répète, la course à pied n’augmente pas l’arthrose de genou ! Je peux le dire une nouvelle fois si vous le voulez…
Vous devez arrêter de voir l’arthrose comme un problème d’usure. L’arthrose n’est PAS un problème d’usure. Vos genoux ne s’usent pas car vos cartilages frottent les uns contre les autres quand vous courez. L’arthrose est bien plus compliquée que cela. Votre corps est bien plus compliqué que cela.
Vous allez donc me demander à quoi est due l’arthrose de vos genoux :
- En premier, la prédisposition génétique : si vos parents ont de l’arthrose, alors il se peut que vous en ayez.
- Au fil des années, votre corps évolue. L’arthrose correspond aux rides et aux cheveux blancs de l’intérieur du corps.
- Un traumatisme important au niveau de vos genoux tel qu’un accident de voiture augmente vos risques d’avoir de l’arthrose.
- Diverses maladies ou infections sont des facteurs de risque de l’arthrose…
- Enfin, il faut bien le reconnaître, beaucoup des facteurs prédisposant l’arthrose sont inconnus à ce jour.
Il y a une autre idée capitale que vous devez avoir en tête, l’arthrose n’est pas nécessairement générateur de douleur :
- Certaines personnes auront beaucoup de douleur avec peu d’arthrose.
- Et d’autres n’auront pas de douleur avec beaucoup d’arthrose.
Une fois de plus vous devez voir le corps humain comme un modèle biologique qui s’adapte et évolue par rapport à son environnement et non comme un modèle mécaniste qui s’use au fil des kilomètres.
Comme vous pouvez le voir, ce sujet est beaucoup plus compliqué que l’idée du papier de verre frottant sur du bois. Malheureusement, cette vision réductrice est encore bien ancrée dans l’esprit des gens.
Vous ne connaissez sûrement pas le COMP. Il s’agit du Cartilage Oligomeric Matrix Protein. C’est un biomarqueur, considéré comme représentatif de la dégénérescence du cartilage. Plus vous avez de COMP, plus votre cartilage va dégénérer. Or la quantité de COMP diminue dans vos articulations après un footing. C’est peut-être la raison pour laquelle l’étude précédente a montré que de nombreux coureurs avec de l’arthrose de genoux se sentaient mieux lorsqu’ils couraient.
Les coureurs martèlent leurs genoux jour après jour. Il est donc logique que beaucoup croient qu’ils se font du mal en courant. Bonne nouvelle… Ce n’est pas vrai. La course à pied ne provoque pas d’arthrose de genoux. Après une course, votre cartilage se modifiera, évoluera, mais il ne s’abimera pas. Fait intéressant, chez les coureurs souffrant d’arthrose, la course à pied ralentit la progression de l’arthrose.
Généralisez les deux mythes de la course à pied au reste de votre corps.
Les concepts que vous venez de lire vont à l’encontre de ce que vous entendez partout. Mais surtout, ils vont à l’encontre de ce qui peut paraître logique si on compare le corps à une machine qui s’use avec le temps et les efforts auxquels vous le soumettez.
Nous avons pris l’exemple du dos et de la course à pied chez les coureurs. Mais le raisonnement est généralisable à tous les sports et à toutes les structures de votre corps : Os, cartilages, muscles, tendons, ligaments, disques intervertébraux, cœur, poumons et même vos neurones… Cette liste est loin d’être exhaustive bien sûr.
Je trouverais normal que vous ayez besoin de temps pour assimiler ces notions.
Règle n°1 : Votre corps est fait dans un modèle biologique donc votre corps s’adapte dans la mesure où, les contraintes mécaniques, qui lui sont appliquées, ne sont pas supérieures à sa capacité d’adaptation. Tout changement doit être progressif pour adapter le corps sans lui faire mal.
Règle n°2 : Si vous ne faites rien, votre corps se désadapte. Si vous ne sollicitez pas vos muscles, vos cartilages, vos tendons (reprenez la liste précédente), ces structures vont se désadapter et vont avoir une capacité de plus en plus faible à supporter des contraintes. La sédentarité entraîne une dégénérescence qui fait le siège de la fragilité de votre corps.
Il existe une personne qui n’appartient pas au domaine médical mais qui parle très bien de toutes ces notions : Thomas Pesquet !
Dans la bande dessinée “Dans la combi de Thomas Pesquet” écrite par Marion Montaigne, celle-ci parle des effets de l’impesanteur. L’impesanteur est le terme utilisé pour signifier qu’un corps n’est plus soumis à l’effet de la gravité. En d’autres termes, dans l’espace, le corps des astronautes ne subit plus de contraintes.
Voici un extrait de la bande dessinée page 194 :
“ Les gens croient que le corps en bave avec la gravité, que les choses seraient plus faciles en impesanteur. En fait non, il (le corps) est conçu pour la gravité. Tous les jours, la gravité blesse l’os. Quand on marche, saute, tombe, court… Mieux : Plus l’os reçoit de chocs, plus il se fait de micro-fissures, et plus il est content. […] Or dans l’espace, malgré deux heures de sport par jour, impossible de reproduire les “traumatismes” de la gravité. […] Résultat : C’est le déséquilibre. En six mois, un squelette d’astronaute devient aussi fragile que celui d’une vieille femme ménopausée.”
Vous le voyez, même pour des astronautes, ces athlètes hyper-sélectionnés et super-entrainés, un corps humain sans contrainte est un corps qui dégénère et s’affaiblit. C’est pour cette raison que lors de leur retour sur terre, les astronautes sont en fauteuil roulant. Heureusement, tout cela n’est que temporaire !
En dehors de cet extrait que je trouve très intéressant pour illustrer les notions développées dans cet article, je vous conseille de lire cette bande dessinée que j’ai dévorée.
Courir, un outil de choix si vous voulez avoir des articulations solides
Vous devez définitivement abandonner ces croyances comme quoi la course à pied use le corps et abîme vos articulations. Le corps s’adapte aux contraintes qui lui sont imposées. Si vous voulez un squelette solide, la course à pied est un des meilleurs moyens d’y arriver.
La course à pied est donc un outil de choix pour être en meilleure santé. Et si vous avez des problèmes de santé, la course à pied est un outil de choix pour guérir.
La course à pied :
Améliore la cicatrisation de vos blessures.
Permet la désensibilisation de votre corps.
Et encourage l’adaptation de votre squelette et de vos muscles.
Alors, je vous en supplie, je ne veux plus voir de coureurs franchir le seuil de mon cabinet totalement abattus car ils doivent arrêter de courir pour sauver leur dos ou leurs genoux… Je veux des personnes qui se lancent dans la course à pied avec n’importe quel poids, n’importe quelle morphologie et n’importe quel niveau. Les bénéfices pour votre corps seront énormes !
Si vous êtes arrivés jusqu’au bout de cet article, alors vous êtes assis à lire depuis bien trop longtemps ! Il est temps de prendre vos baskets, et d’aller courir !
7 réflexions sur “Course à pied : Les 2 plus grands mythes !”
Super intéressant, bravo !
Merci Cédric !
Tres interressant
Merci pour ces infos !!!
Ping : COVID : que faire face à la fatigue chronique et à l'essoufflement - Digitalrehab
J’ai lu jusqu’au bout et j’ai trouvé cet article très intéressant. Et il va très bien dans mon sens : j’ai eu un grave accident de vélo, ma colonne s’est « retournée » il y a 5 ans…les médecins m’ont dit d’arrêter la course…et ils voulaient m’opérer, Je ne les ai pas écouté et aujourd’hui je cours des marathons.
Merci pour ces articles.
C’est vraiment top ! le running est un outil très utile pour notre corps. Si vous avez écouté votre corps, que vous avez attendu sa réparation après votre traumatisme et que vous avez augmenté progressivement votre durée de course alors votre dos s’est bien adapté !
Bravo à votre persévérance et votre pragmatisme.
Bonjour,
J’ai vu dans votre mail que vous déconseillez un certain type de baskets. Mais du coup, lesquelles choisir ?
Merci